Entre errance nocturne et souvenirs enfouis, Hugo Lindenberg part à la recherche de la mère disparue. Récit initiatique et labyrinthe poétique.
Alors qu’il a vingt et un an le narrateur apprend la vérité sur la mort de sa mère, quinze ans auparavant. Vérité occultée mais pressentie par l’enfant qu’il était : elle s’est jetée sous un train après avoir avalé des barbituriques. Marqué par cette perte prématurée, le jeune homme en proie au mal-être délaisse ses études et fuit la réalité. Il s’étourdit au cours de virées nocturnes dans l’alcool et les amours éphémères. Parallèlement, il se lance dans une enquête, un véritable jeu de piste pour essayer de retracer l’histoire de celle qu’il a si peu connue. A partir d’une photo, il interroge ses amis, recueille quelques informations.
Nuit imaginaire s’organise autour de ce double mouvement, entre jour et nuit, entre présent et passé. Une couleur, une odeur, un lieu peut brusquement faire resurgir l’enfance perdue : « En pénétrant sous le porche de l’immeuble (…) me reviennent en épines toutes les douceurs du hall maternel. (…) Ça sent la tendresse à pleins poumons, les cavalcades familiales, le repas du dimanche, le tricycle dans la cour. J’en ai le souffle coupé.» On se perd parfois avec le narrateur dans sa recherche frénétique de plaisir et ses aventures répétitives ; on se retrouve avec lui car cette quête de la disparue est aussi une quête de soi-même.
Comme dans son premier roman, l’écriture de Hugo Lindenberg séduit par sa délicatesse, son sens de la métaphore, sa douce mélancolie. Particulièrement dans les premières pages, superbe introduction où la mélancolie automnale s’accorde avec celle du protagoniste. Les feuilles qui tombent évoquent le suicide de sa mère : « Le saut dans l’inconnu après une vie perchée, chute sans espoir et pourtant si incertaine. »
Au terme du livre, rien n’est élucidé, tout n’est pas dit car « les morts laissent des énigmes irrésolues. » Mais le narrateur sort de sa léthargie et affronte la réalité « la tête la première dans le grand bain ». Apprivoiser le vide, quitter la nuit imaginaire pour la vraie vie, n’est-ce pas cela devenir adulte?
La nuit imaginaire, Hugo Lindenberg, Flammarion, 2023, 219 pages.
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