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Photo du rédacteurFleur B.

Lire Lolita à Téhéran, Azar Nafisi

A l’approche de l’anniversaire de la mort de Mahsa Amini, qui souleva un vent de révolte en Iran, une lecture essentielle et éclairante.


Après des études au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, Azar Nafisi, toute jeune mariée, revient en Iran et obtient un poste à l’université de Téhéran. Enseigner la littérature anglo-saxonne dans un pays en pleine révolution islamique ne va pas sans difficultés, d’autant plus en étant une femme. L’obligation de porter le voile la contraint finalement à démissionner tout en poursuivant son travail d’une autre manière, auprès d’un petit groupe d’étudiantes : « A l’automne 1995, après avoir démissionné de l’université, j’ai décidé de me faire plaisir et de réaliser un rêve. J’ai choisi sept de mes étudiantes, parmi les meilleures et les plus impliquées, et je les ai invitées à venir chez moi tous les jeudis matin pour parler littérature».


Quatre parties composent ce récit qui se lit comme un roman, chacune centrée sur un auteur de la littérature anglo-saxonne et une période historique clef pour l’Iran, faisant dialoguer les œuvres et l’Histoire. La première, « Lire Lolita à Téhéran », fait office de préambule. Azar Nafisi présente rapidement ses étudiantes - Manna, Mahshid, Yassi, Azin, Mitra, Sanaz, Nassrin -, son séminaire et la question qui le sous-tend : « Un piège s’était refermé sur les femmes que nous étions. Dans cette situation, comment les grands ouvrages de l’imagination pouvaient-ils nous aider ? » Dans la seconde partie, « Gatsby », l’autrice raconte comment elle en est venue à organiser à l’université, alors qu’elle y enseignait encore, le procès – et la défense - du livre de Fitzgerald. Dans la troisième partie, « James », la guerre Iran-Irak fait rage et Azar Nafisi reprend son métier d’enseignante non sans peine. Enfin dans la dernière partie, « Austen », l’œuvre de la romancière britannique permet aux conversations de prendre un tour plus intime, notamment avec la question du mariage, et ainsi d’affiner, tout en nuances et avec pudeur, le portrait des étudiantes. Car ce livre est avant tout un hommage aux jeunes Iranien.ne.s qui, au péril de leur vie, n’ont pas renoncé à étudier, à lutter pour leurs idéaux et leur liberté, à lire, à peindre leurs ongles « de vernis rouge tomate », à vivre, quitte parfois à devoir pour cela partir. Il est aussi un tombeau pour celles et ceux qui furent tués, exécutés, et dont parfois les corps disparurent. Pour eux, et eux seuls, le livre conserve les noms : « Quelle ironie. Ne pouvoir se servir des noms que de ceux qui sont morts ».


La mort en septembre dernier d’une jeune femme, Mahsa Amini, trois jours après son arrestation pour infraction au code vestimentaire, montre que le récit d’Azar Nafisi - écrit il y a pourtant vingt ans - n’a rien perdu de son actualité. A mettre entre toutes les mains.


Lire Lolita à Téhéran, Azar Nafisi, traduit de l’anglais par Marie-Hélène Dumas, Plon, 10/18, 2004, 480 pages

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